Editions : Stock - Nombre de pages : 300

4ème de couverture :
Moon a choisi la rue parce qu'elle a décidé d'être « elle-même dans ce monde où les gens sont devenus des autres ». Elle ne fait pas la manche, elle vend des sourires, et observe avec malice le manège des gens pressés.
« Je dis : Avec cinquante centimes d'euros, qu'est-ce qu'on achète à notre époque ? J'insiste, il accélère, petite pirouette : Non sans déc', à ce prix, franchement, tu trouves des trucs intéressants à acheter ? Le type finit par s'arrêter, il se demande où je veux en venir, et c'est là que je sors le grand jeu, tutti et compagnie, je dis : Un sourire à ce prix-là, c'est pas cher payé ! Et j'attends pas qu'il accepte, je lui refourgue un petit sourire façon majorette à dentelles, épaules en arrière et tête haute. Le type soupire, il pense qu'il se fait avoir. Il n'a que dix centimes mais je lui fais quand même le sourire en entier. Je suis pas une radine. »
Autour d'elle, il y a Michou et Suzie avec leur Caddie, Boule, son crâne rasé et sa boule de billard à dégainer en cas de baston, les kepons migrateurs avec leurs crêtes de toutes les couleurs, et surtout, il y a Fidji et ses projets sur Paname. Pour lui, elle a décidé d'écrire un roman, un vrai.
Et il y a Slam qui sort de prison, Slam qui aime les mots de Moon et a une certitude : un jour, elle décrochera la lune...

Mon avis :
Moon a 19 ans. Moon a 19 ans et vit dans la rue; elle squatte un bout de trottoir que veut bien lui laisser la fleuriste qui partage parfois un kawa avec elle. Son univers ?
"[...] une seule pièce, vaste et lumineuse, un ciel pour plafond et des bruits comme cloison.
Cent millions de mètres carrés pour moi toute seule" (Stock - p.122)
Son cercle d'amis ? Il est assez restreint : il y a d'abord Comète, son chien, un petit chiot sans qui la vie ne serait pas vivable; il y a Boule, le crâne rasé, qui fabrique du shit avec des pneus (les Michelin, c'est les meilleurs); il y a Slam surnommé ainsi par contraste, parce qu'il n'est pas causant, une vraie tombe; il y a Suzie et Michou, avec leur Caddie; et il y a Fidji ! "Son" Fidji, le mec qu'elle aime, et d'ailleurs, elle l'aime tellement qu'elle va lui faire un beau cadeau : elle va lui écrire un livre, un livre qui racontera son enfance et lui redonnera le sourire.
Forte de cette résolution, Moon est heureuse : à Noël, Fidji aura une très belle surprise... Mais qui a dit que la vie se déroule comme on le souhaite surtout lorsqu'on vit dans la rue avec un carton de frigo pour toute couverture ? Je n'en dis pas plus et vous laisse découvrir cette histoire qui se savoure : petite touche par petite touche...

Avec des phrases hachées, simples et complexes à la fois, des mots percutants, parfois crus, le style de Maud Lethielleux m'a particulièrement touchée. Les personnages sont très attachants et l'histoire est jolie...
Oui, mais si j'ai dévoré les cent cinquante premières pages, attentive au devenir de Moon et des personnages plus ou moins écorchés vifs qui gravitent autour d'elle, je m'en suis peu à peu détachée à mesure que le dénouement approchait : peut-être trop d'apitoiement et pas assez d'espoir, peut-être un peu trop de laisser-aller et pas assez de volonté... je ne saurais pas vraiment dire, je me suis désintéressée de Moon et de son avenir à mesure que je sentais qu'il devenait certain ! J'ai conscience d'être sans doute un peu trop sévère avec un livre qui est réellement magnifiquement écrit mais c'est ainsi, je suis un peu déçue...
Ceci dit, je lirais très certainement Dis oui, Ninon de cette auteur (qui vient de sortir en poche : ça c'est une bonne nouvelle !)

Je remercie chaleureusement Aifelle d'avoir fait de ce livre un livre voyageur.

A propos des mots :
"D'abord, ça dit quelque chose, ça explique une hypothèse, mais en plus ça fait un son, ou deux, ou trois, et des fois quand tu le mets à côté d'un autre, ça fait comme une chanson, c'est ce que j'appelle les mots amoureux, tu les mets côte à côte et ils s'additionnent pour donner de la beauté à celui d'à côté ou simplement du sens, ils donnent de l'existence à leur conjoint. Mais c'est comme tout, t'as aussi les égoïstes, ceux qui prennent toute la place, qui se la pètent. Ceux-là, laisse tomber, ils sont beaux mais ils servent à rien, ils disent rien de profond, ils font leurs intéressants pour que t'oublie les autres. T'as aussi les arnaqueurs, ceux qui font croire qu'ils sont nécessaires, super indispensables et à la fin tu t'aperçois qu'ils gâchent tout, c'est des lourdingues. Et puis, t'as des mots tout cons tout simples, t'en mets plein les uns après les autres, ils sont pas spécialement beaux; ils disent pas spécialement quelque chose, mais tous ensemble, mis bout à bout, ces petits trucs de rien, ils te font chialer tellement ils te font du bien. C'est ceux-là mes préférés, les mots de rien, les pions de la vie, les petits fous." (Stock - p.82)

A propos des souvenirs :
"Des fois je voudrais oublier, garder seulement les bons souvenirs et les ressortir au bon moment, quand j'ai le moral dans les chaussettes ou quand je suis à côté de mes pompes. Mais ça marche pas comme ça. Les mauvais souvenirs font leur intéressants pour que je ne les oublie pas au moment où justement je voudrais tirer un trait dessus et les bons souvenirs font leur cirque n'importe quand, pour bien me rappeler que cela n'a pas toujours été aussi pire. Les souvenirs, c'est des nids à emmerdes. A peine on s'en débarrasse que y'en a des nouveaux." (Stock - p.194)

Lisez-le ;-)

Plaisir de lecture :

D'autres avis : Aifelle, Clara, Gambadou, Géraldine, Keisha, Liyah, Mango, Mirontaine, Saxaoul, Stephie, Sylire.

Maud Lethielleux - D'où je suis, je vois la lune

Partager cet article