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Lectures de Lounima
8 mai 2011

Sarah Waters - Affinités

Waters_AffinitesEditions : 10/18 - Traduction : de l'anglais par Erika ABRAMS -
Titre original: Affinity - Nombre de pages : 522

4ème de couverture :
Pour tromper son ennui, une demoiselle de la bonne société anglaise, Margaret Prior, visite régulièrement les détenues de la prison de Millbank. Dans cette bâtisse sinistre croupissent les parias de l'ère victorienne, avorteuses, voleuses et autres criminelles, à qui elle veut apporter un peu de réconfort. Parmi elles, Selina Dawes, spirite à l'aura très particulière... En gagnant sa confiance, Margaret finit par découvrir l'étendue des pouvoirs de la jeune médium, ainsi que son incroyable histoire. Suspense, atmosphères étouffées, passions défendues et trahison, aucun des ingrédients qui font l'univers de Sarah Waters ne manque dans ce troisième roman magistralement orchestré.

"Experte en pistes croisées, substitutions d'identités et trahisons fracassantes, la Britannique Sarah Waters a pour habitude de tisser au début de ses romans une toile dont le motif apparent n'est qu'un leurre. Et chaque fois, le résultat est époustouflant." Marie-Caroline Aubert, Marie-Claire.

affinity_original

Mon avis :
Après ma lecture plus qu'enthousiaste de Du bout des doigts de cette auteure, j'étais très impatiente de découvrir ce roman dont l'action se situe également au XIXè siècle en Angleterre. Et c'est avec plaisir que j'ai retrouvé tous les ingrédients qui avaient contribué à me faire apprécier Sarah Waters: époque victorienne, ambiance suffocante, situations équivoques, secrets, trahison et amours interdites!

Margaret Prior est une jeune femme de la haute bourgeoisie victorienne qui, à la mort de son père, un brillant historien, se retrouve meurtrie et désœuvrée. Pour occuper ses pensées, mais également et surtout dans le but d'aider son prochain, elle décide de devenir dame patronnesse à la prison de Millbank. Elle y découvre un univers froid, angoissant, sombre, sale, silencieux, où la nourriture est immangeable, les corridors sans fin et les détenues terriblement seules... Cette atmosphère étouffante et effrayante l'obsède : "Je suis hantée au contraire par la banalité de l'endroit; par le fait même qu'il soit là où il est, à moins d'une lieue de Chelsea et de la maison, qu'il suffise d'une petite course en fiacre pour se rendre dans cet immense et sinistre séjour des ombres où des êtres humains ont enfermé quinze cents de leurs semblables, hommes et femmes, en leur imposant un régime de silence et de soumission perpétuels. C'est dans les gestes simples de la vie que mon esprit m'y ramène - en buvant une tasse de thé pour étancher ma soif; en prenant en main un livre pour me distraire ou un châle parce que j'ai froid; en récitant à haute voix quelques vers, pour la beauté des mots et le plaisir de les entendre. J'ai accompli ces choses, comme mille fois par le passé; et j'ai pensé aux prisonniers qui ne peuvent rien faire de tout cela." (10/18 - p.53-54) Très vite, elle s'attache à Selina Dawes, une jeune prisonnière spirite accusée d'escroquerie et de coups et blessures. Margaret se sent attirée par elle, irrémédiablement, alors que Selina lui fait découvrir son monde, le spiritualisme: leurs rencontres amicales deviennent assez vite troublantes, empreintes de sentiments inavouables...

Affinites__3_

Comme je l'indiquais en préambule, j'ai beaucoup aimé cette plongée dans l'époque victorienne; Sarah Waters est experte dans l'art de décrire les lieux et les personnages. Ainsi, on ressent sans effort l'atmosphère étouffante de la prison de Millbank, on en respire la poussière et les odeurs des corps mal lavés et on entend le bruit des grilles qui se referment sur Margaret à chacune de ses visites, celui des trousseaux de clés des gardiennes et des lamentations des prisonnières qui ne veulent pas qu'on leur rase la tête...
Les personnages de Margaret et Selina sont très intéressants, fascinants même. Et on peut se demander comment deux personnes de milieux si différents (l'une issue de la bourgeoisie victorienne, l'autre, orpheline, évoluant dans le milieu spirite) ont pu si vite et si bien s'entendre... Sans doute, la solitude est un bon stimulant à l'émergence d'une amitié profonde et Margaret, bien que libre et entourée de sa famille, se sent seule, abandonnée dans son milieu où elle ne se reconnaît pas, où ses aspirations et envies ne sont ni écoutées ni entendues "J'ai vingt-neuf ans. Dans trois mois je passerai le cap de la trentaine [...] qu'adviendra-t-il de moi ? Je me dessécherai, je deviendrai cassante, décolorée - telle la feuille qu'on garde, pressée entre les pages d'un triste livre noir, jusqu'à ce que l'oubli la réclame." (10/18 - p.301) alors que Selina se montre compréhensive, à l'écoute et disposée à l'aider à réaliser ses rêves, même si, pour cela, les esprits devront intervenir...

La construction du livre est également très réussie: on suit tour à tour le journal intime de Margaret relatant précisément les événements et nous révélant ses pensées les plus intimes et celui de Selina centré sur les événements passés l'ayant conduite en prison. Ces deux récits sont totalement complémentaires et nous aide à entrevoir la fin même si j'ai été loin du compte...

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Néanmoins, et bien que j'aie beaucoup aimé cette lecture, je dois avouer que j'ai passé un bon tiers du livre à attendre le retournement de situation tant espéré ! En effet, après ma lecture de Du bout des doigts, j'étais certaine que les choses n'étaient pas aussi transparentes qu'elles en avaient l'air et que, forcément, quelque chose allait arriver et ce quelque chose a beaucoup (trop) tardé... C'est sans doute pourquoi j'ai ressenti un peu de lassitude à certains moments dans ma lecture et que certaines répétitions et longueurs m'ont quelque peu agacée! Mais ceci n'enlève rien à la qualité de l'intrigue ni à l'intérêt du livre et je peux sans aucun doute qualifier cette deuxième rencontre de rendez-vous totalement réussi.

Morceau choisi :
"Silence rompu, à l'instant même où je commençais à m'en étonner, par un soupir. Un soupir isolé - un seul, mais un soupir parfait, comme sorti tout droit d'un livre et qui, assorti à mon état d'esprit du moment, produisit sur moi, dans ce cadre, un effet plutôt insolite. [...] J'appliquai d'abord les doigts, puis les yeux, au guichet. Je fixai le regard sur la jeune femme enfermée là - figée dans un calme tel que je crois bien avoir retenu mon souffle pour ne pas l'alarmer.
Elle était assise sur sa petite chaise de bois dans une attitude d'abandon, la nuque renversée, les yeux fermés. Son tricot délaissé reposait sur ses genoux, ses deux mains se touchaient, les doigts légèrement serrés; la vitre jaune à sa fenêtre resplendissait de soleil, et elle avait tourné la tête pour s'y réchauffer. Sur la manche de sa robe couleur de boue je vis l'emblème de sa catégorie - une étoile de feutre, coupée en biais et cousue de travers, dont les lignes se détachaient à la lumière du jour. Ses cheveux, là où ils dépassaient de son bonnet, étaient clairs, son teint d'une paleur qui soulignait le modelé du front, des lèvres, la courbe des cils. J'étais certaine d'avoir déjà vu ce visage. c'était celui d'une sainte ou d'un ange dans un tableau de Crivelli.
Je l'observai une minute peut-être. Pendant tout ce temps elle garda la tête parfaitement immobile, les yeux fermés. Il y avait dans son attitude, dans son recueillement, une ferveur presque religieuse. Je finis par me dire qu'elle priait. Honteuse, j'allais refermer le guichet lorsqu'elle bougea. Ses mains s'ouvrirent, elle les leva à son visage et j'entrevis contre le rose de ses paumes calleuses un éclair de couleur. Elle tenait une fleur entre ses doigts - une violette, à la tige fatiguée. Elle la porta à ses lèvres, souffla dessus. Du coup je vis le violet des pétales transfiguré, vibrant, radieux...
Elle fit cela, et je me rendis compte de la grisaille qui l'entourait - grisaille des corridors, des prisonnières, des surveillantes, du monde entier, moi-même comprise. C'était un monde de lavis et de demi-teintes avec, là, une unique tâche de couleur, posée sur la toile sans doute par mégarde."
(10/18 - p.45-47)

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A lire ! ;-)

Plaisir de lecture : lecture_notation1_30lecture_notation1_30lecture_notation1_30lecture_notation1_30lecture_notation0_30

D'autres avis : Theoma, et depuis chez BoB.

Affinity_cUn petit mot sur le film ?

Réalisateur : Tim Fywell
Avec : Zoe Tapper, Anna Madeley, Domini Blythe
Titre original : Affinity
Durée : 01 h 29 min
Année de production : 2008

Quelle déception! Le film est loin d'être à la hauteur du livre et que dire de l'ajout du personnage de Theophilus, "fiancé" de Margaret, qui, à moins que je ne sois subitement victime d'amnésie sélective (ou que mon libraire est subrepticement supprimé les pages où il apparaît) n'existe pas dans le roman. A l'inverse, Priscilla, la soeur de Margaret a totalement disparu alors qu'elle a un rôle non négligeable dans l'état d'esprit de sa soeur, surtout dans son désir d'évasion!!
Ceci dit, j'ai beaucoup aimé l'interprétation très convaincante d'Anna Madeley : elle figure une Margaret touchante et vraie. J'ai moins adhéré au personnage de Selina interprétée par Zoe Tapper.

Bref, regarder cette adaptation est intéressant mais loin d'être indispensable!! ;-)

Les photos qui illustrent cet avis sont tirées du film.

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Commentaires
R
Merci pour ces articles passionnants!
V
Après deux rencontres un peu ratées avec cette auteure, je commence Affinités aujourd'hui. Et je garde Du bout des doigts, qui est dans ma PAL, pour l'été.
L
@Alicia : Alors, il faut que tu le mettes sur le haut de la pile, tu ne devrais pas être déçue ! ;-)
A
Du bout des doigts était un roman incroyable. Celui ci m'attend dans ma PAL ^^
L
@Nanne ; C'est réellement une auteur à découvrir : tous ses autres livres sont tous sur ma LAL !! Moi aussi, j'aime beaucoup cette ambiance victorienne qui nous fait voyager dans le temps ;-)<br /> <br /> @Niki : As-tu lu "Du bout des doigts"? Si non, je te le conseille, peut-être le trouveras-tu plus à ton goût que celui-ci... ;-)
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