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Lectures de Lounima
5 novembre 2011

Stefan Zweig - Vingt-quatre heures de la vie d'une femme

zweig_24Éditions : Le Livre de poche -
Traduction : de l'allemand (Autriche) par Olivier BOURNAC et Alzir HELLA -
Titre original: Vierundzwanzig Stunden aus dem Leben einer Frau - Nombre de pages: 125

4ème de couverture :
Scandale dans une pension de famille "comme il faut", sur la Côte d'Azur du début du siècle : Mme Henriette, la femme d'un des clients, s'est enfuie avec un jeune homme qui pourtant n'avait passé là qu'une journée... Seul le narrateur tente de comprendre cette "créature sans moralité", avec l'aide inattendue d'une vieille dame anglaise distinguée, qui lui expliquera quels feux mal éteints cette aventure a ranimés chez la fugitive.
Ce récit d'une passion foudroyante, bref et aigu comme les affectionnaient l'auteur d'Amok et du Joueur d'échecs, est une de ses plus incontestables réussites.

24_heures_de_la_vie_d_une_femme_4

Mon avis :
"[...] on aurait parfaitement compris que cette petite Madame Bovary échangeât son époux rondelet et provincial pour un joli jeune homme distingué. Mais ce qui étonnait toute la maison, c'était que ni le fabricant, ni ses filles, ni même Mme Henriette n'avaient jamais vu auparavant ce Lovelace; et que, par conséquent, une conversation nocturne de deux heures sur la terrasse et une heure de café pris en commun dans le jardin puissent avoir suffi pour amener une femme irréprochable, d'environ trente-cinq ans, à abandonner du jour au lendemain son mari et ses deux enfants, pour suivre à l'aventure un jeune élégant qui lui était totalement étranger." (Le Livre de Poche - p.23)
24_heures_de_la_vie_d_une_femme_2Début du XXe siècle, sur la Côte d'Azur. Dans une pension de famille, séjournent couples et notables pour les vacances... Mais, alors que tout est réuni pour que le séjour de chacun se déroule tranquillement et sans histoire entre les discussions peu profondes, les parties de dominos, d'échecs ou de tennis pour les plus sportifs, un scandale éclate : Mme Henriette, mère de famille distinguée et femme d'un honorable notable s'enfuit avec un jeune Français qu'elle n'a rencontré que la veille !! Comment est-ce possible? Coup de foudre? Folie? Acte prémédité? Assurément Mme Henriette ne peut être qu'une gourgandine! Les esprits s'échauffent... seul le narrateur est enclin à penser que de tels événements existent sans y voir malice mais uniquement un coeur qui déborde. C'est alors qu'une distinguée vieille dame anglaise, Mrs C., qui séjourne également dans la pension de famille, lui confie une histoire, son histoire...

J'ai déjà, je crois, exprimé ma grande admiration pour Stefan Zweig, auteur que j'ai découvert avec Amok ou le fou de Malaisie, nouvelle qui, encore aujourd'hui, demeure la nouvelle de Zweig que je préfère, même après avoir lu les magnifiques Lettre d'une inconnueLe Joueur d'échecs ou encore La Ruelle au clair de lune. Zweig a le don de m'entraîner dans ses histoires qui, bien que courtes, m'enchaînent très longtemps aux personnages, aux situations et, oserais-je dire, à la folie des personnages... Outre une écriture remarquable, hautement maîtrisée, Zweig a l'art de raconter les histoires et ses narrateurs font si réels que j'ai parfois l'impression qu'ils sont là, juste à côté de moi, et qu'ils me livrent leurs histoires, à moi seule...

Avec Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, Zweig nous entraîne encore une fois dans ses thèmes de prédilection (en tout cas dans les thèmes que j'ai déjà rencontrés lors de mes précédentes lectures): l'amour-passion poussé jusqu'à la folie, l'obsession du jeu avec le narrateur confident, réceptacle des histoires les plus fiévreuses et les plus ardentes...

24_heures_ZweigEt j'ai adoré cette nouvelle parce que, outre une écriture magnifique, elle montre à quel point les passions humaines s’imposent à ceux qui les vivent, au point que le passé, le présent et l'avenir n'existent plus, seul l'assouvissement de la passion a une réalité, le reste est accessoire, sans importance ou n'existe même pas ! La passion fait fit des convenances et dévore l'existence de celui qui la vit, il en oublie qui il est et quels sont ses devoirs ! Et Zweig, tout comme le narrateur, regarde cette folie dévorante d'un oeil neutre, presque serein, ou pourrait même dire chirurgical si des explications étaient données mais ce n'est pas le cas : aucune morale, aucun jugement, seuls les faits sont décrits...

Morceau choisi :
"Ce fut pour moi une déception... Une déception que je ne m'avouai pas, ni alors, ni plus tard; mais le sentiment d'une femme sait tout, sans paroles et sans conscience précise. Car... maintenant je ne m'abuse plus..., si cet homme m'avait alors saisie, s'il m'avait demandé de le suivre, je serais allée avec lui jusqu'au bout du monde; j'aurais déshonoré mon nom et celui de mes enfants... Indifférente aux discours des gens et à la raison intérieure, je me serais enfuie avec lui, comme cette Madame Henriette avec le jeune français que la veille elle ne connaissait pas encore... Je n'aurais pas demandé ni où j'allais, ni pour combien de temps; je n'aurais pas jeté un seul regard derrière moi, sur ma vie passée... J'aurais sacrifié à cet homme, mon argent, mon nom, ma fortune, mon honneur... Je serais allée mendier et probablement il n'y a pas de bassesse au monde à laquelle il ne m'eut amenée à consentir. J'aurais rejeté tout ce que dans la société on nomme pudeur et réserve; si seulement il  s'était avancé vers moi, en disant une parole ou en faisant un seul pas, s'il avait tenté de me prendre à cette seconde, j'étais perdue et liée à lui pour toujours.
Mais... je vous l'ai dit... cet être singulier ne jeta plus un regard sur moi, sur la femme que j'étais... Et combien je brûlais, je brûlais de m'abandonner toute, je ne le sentis que lorsque je fus seule avec moi-même, lorsque la passion qui un instant auparavant, exaltait encore son visage illuminé et presque séraphique, fut retombée obscurément dans mon être et se mit à palpiter dans le vide d'une poitrine délaissée. Je me levai avec peine; mon rendez-vous m'était  doublement désagréable."
(Le Livre de Poche - p.103-104)

A lire ! ;-)

Plaisir de lecture : lecture_notation1_30lecture_notation1_30lecture_notation1_30lecture_notation1_30lecture_notation05_30

D'autre avis : Cynthia, Kathel et Manu.

24_heures_de_la_vie_d_une_femme_aUn petit mot sur le film ?

Titre du Film : 24 heures de la vie d'une femme
Réalisateur : Laurent Bouhnik
Durée :
01h45min
Acteurs :
Agnès Jaoui, Michel Serrault, Nikolaj Coster-Waldau, Bérénice Bejo
Année de production : 2001

Pour être honnête, ce n'est pas du tout l'adaptation que je souhaitais regarder, j'ai recherché en vain celle de Dominique Delouche (1967) avec Danielle Darrieux avant de ma rabattre sur celle-ci, sans aucune conviction d'ailleurs. Et j'ai été très agréablement surprise !
Certes, Laurent Bouhnik a ajouté un cadre inexistant dans le livre mais cela n'est pas si gênant que cela car le principal y est : la passion du jeu, la passion illusoire d'une femme pour un homme qu'elle voit pour la première fois, l'oubli des convenances, la perte de la réalité... C'est, à mon avis, une adaptation très réussie.
De plus, et bien que je ne sois pas forcément une grande fan d'Agnès Jaoui, je la trouve exceptionnelle dans ce personnage guindé qui dérape et oublie qui elle est l'espace de quelques heures... A découvrir... ;-)

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Commentaires
N
Très beau livre que j'ai découvert par hasard.
L
@Mll Christelle : Merci et bienvenue.<br /> <br /> Un auteur en effet à lire et relire, indiscutablement ! ;-)
M
Bravo, superbe billet ! Je viens de le terminer et j'ai pris beaucoup de plaisir à dévorer cette nouvelle. Un style fuide, un récit synthétique mais suffisant.. bref, une belle leçon de littérature !
L
@Edelwe : En effet : à recommander sans crainte ! ;-)
E
Quel superbe roman!
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