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Lectures de Lounima
30 août 2012

Mahasweta Devi - La mère du 1084

Mahasweta_DeviÉditions : Babel - Traduction : du bengali par Marielle MORIN -
Titre original : Hajar Churashir Ma - Nombre de pages : 164

4ème de couverture :
Après la mort de son fils, tué lors d'une répression policière sans merci au début des années 1970, une femme de la bourgeoisie bengalie ouvre les yeux et essaie de comprendre les raisons qui ont poussé son enfant à se détacher d'elle et de sa famille pour aller en trouver une nouvelle au-delà des barrières sociales. Prenant conscience, douloureusement, de l'hypocrisie de ses proches et de la société qui est la sienne, elle s'invente enfin une voix qui lui est propre...
Toute une génération, qui a grandi avec la répression et l'avènement d'un gouvernement communiste au Bengale, a trouvé dans La Mère du 1084 un écho à sa révolte et, dans le personnage de Brati - le numéro 1084 - l'exemplaire incarnation de ceux qui ont sacrifié leur vie pour des rêves aujourd'hui défunts.

Mahasweta Devi est née en 1926. Elle est l’un des écrivains bengali les plus engagés socialement. Profondément militante, elle a travaillé avec des communautés tribales, des paysans sans terre. À travers ses nouvelles, romans et articles, elle écrits des histoires d’exploitation et de lutte. Pour son action, elle a reçu de nombreux prix, dont le Sahitya Academy, le Jnanpith et le Ramon Magasasay. (source : meet)

Mon avis :
""Brati Chatterjee est-il un parent à vous ? avait demandé une voix inconnue, officielle, impersonnelle. C'est votre fils ? Venez à la morgue de Kantapukur."
C'est ce que la voix désincarnée avait dit : "Venez à la morgue." Le combiné s'était écrasé sur le sol. Sujata s'était effondrée, perdant connaissance."
(Babel - p.13)
Calcutta, années 70. Cela fait deux ans, jour pour jour, que Brati est mort. Sujata, sa mère, se réveille en ce funeste jour anniversaire et se souvient : son fils, si aimant avec elle alors qu'il était si éloigné de son père, si méprisant envers ses soeurs et si secret avec tous... que s'est-il réellement passé ? Comment ce jeune homme de vingt ans, issu d'une famille aisée, aimante, bien sous tous rapports, a-t-il pu se laisser entraîner par ces agitateurs, ces hommes et ces femmes de milieux moins avantagés ? Et pour revendiquer quoi ? Plus d'égalité ? Plus de transparence de la part des hommes politiques ? Moins de corruption ? Et pour quel résultat ? Se retrouver à la morgue estampillé du n°1084, 1084ème victime de cette "Décennie de la Libération" ! Mais qu'avait-il besoin de se joindre à ce mouvement communiste ? "Avant son décès, il y avait des questions, après, il reste des questions. Des points d'interrogation. Une foule de questions directes. On avait refermé le dossier Brati Chatterjee en les laissant sans réponse, sans trouver la solution à une seule d'entre elles." (Babel - p.21)

Sujata se souvient et souffre, en silence, dans cette famille qui semble avoir oublié ce fils, ce frère, qui se préoccupe de choses futiles alors que les questions et la douleur demeurent... Une soirée de fiançailles est d'ailleurs en pleine préparation en ce triste jour anniversaire... mais comment ont-ils pu choisir justement ce jour-là ? Toute la journée Sujata tente de comprendre, de découvrir comment ces choses qui préoccupaient tant son fils Brati ont pu lui échapper à ce point. Elle se rend chez une autre mère dont le fils, ami de Brati, a également été tué ce jour-là, elle rend visite à Nandini, la petite-amie de son fils dont elle ne connaissait même pas l'existence lorsque celui-ci était vivant, elle tente de retracer l'histoire des quelques jours qui ont précédés la mort de son fils... Elle est seule dans cette quête, impuissante, malade physiquement et moralement de ne pas avoir pu faire quelque chose, et toutes ces actions, aujourd'hui, semblent vaines...

La mère du 1084 est un roman poignant, sensible, triste. La souffrance de cette mère est palpable, intolérable parfois. On compatit, on souffre avec elle, on s'interroge également, on s'insurge contre ce père indifférent, cette société indifférente, ces cases dans lesquelles tout le monde se doit d'entrer pour préserver sa réputation, ô combien précieuse... Pour toutes ces raisons, La mère du 1084 est, à mon humble avis, un très bon roman, qui se lit d'un seul jet. De plus, l'écriture est juste, imagée et captivante. Mais il est bien trop court, les personnages sont survolés pour la plupart, l'histoire est prenante mais on reste un peu sur sa faim, c'est dommage et en même temps, en supporterait-on plus ?

Il est à noter toutefois que ce livre mérite une petite incursion dans l'Histoire du Bengale Occidental. En effet, Mahasweta Devi reste très évasive concernant le contexte historique du roman, ce qui peut en dérouter certains. Derrière la douleur de cette mère, l'auteur évoque une période troublée de l'Etat du Bengale Occidental qui, dans les années 70, a vu de violents affrontements entre le pouvoir en place et le mouvement marxiste-naxalite.

Morceaux choisis :
"Le temps est plus fort que la douleur : il est le fleuve, elle est la rive. Le temps jette sans cesse ses alluvions sur la rive de la douleur et la recouvre. Puis, un jour, comme le veut la loi de la nature, de jeunes pousses se mettent à germer sur les alluvions du temps qui ont recouvert la douleur.
Graines d'espoir, de chagrin, de souci, d'envie.
Ces pousses crèvent la surface, écorchent le firmament.
Le temps est tout puissant."
(Babel - p.82)

"Mais quelle est cette ville où de telles atrocités peuvent avoir lieu et où on continue comme si de rien n'était à célébrer la culture et à fêter Tagore ?" (Babel - p.85)

A découvrir... ;-)

Plaisir de lecture : lecture_notation1_30lecture_notation1_30lecture_notation1_30lecture_notation05_30lecture_notation0_30

roman_mere_1084_L_2Un mot sur le film ?

Titre du Film : Hazaar Chaurasi ki Maa / The Mother of 1084
Réalisateur :
Govind Nihalani
Durée :
02h32min
Acteurs :
Jaya Bachchan, Anupam Kher, Joy Sengupta, Nandita Das, Seema Biswas, Milind Gunaji
Année de production :
1998

Une adaptation que je n'ai pas encore vue parce que je n'arrive pas à la dénicher... mais cela ne saurait tarder ! :D Je m'engage à vous en parler dès que je la trouve... ;-)

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Commentaires
L
@Manu : L'histoire n'est pas développée en effet mais c'est tout de même un très bon roman indien, assez engagé et très poignant... Mais je comprends qu tu ne sois pas forcément intéressée par ce genre de récit... <br /> <br /> Pas grave, j'ai plein d'autres auteurs en réserve pour te donner envie de découvrir l'Inde....;-)
M
J'aurais préféré que ce soit davantage centré sur l'histoire que sur la détresse de cette femme.
L
C'est en effet un roman intéressant sur la douleur d'une mère. Il pourrait te plaire, je pense. ;-)
A
Il est vrai que je connais très peu l'histoire de ces régions du monde, sinon le thème est très intéressant.
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