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Lectures de Lounima
8 février 2014

Marin Ledun - L'homme qui a vu l'homme

Ledun
Éditions : Ombres Noires - Nombre de pages : 463

4ème de couverture :
Pays basque nord, janvier 2009. La tempête Klaus vient de s’abattre sur la façade atlantique. Les rumeurs autour de la disparition d’un militant basque, Jokin Sasko, enflent. Iban Urtiz, reporter, comprend que cette affaire n’est pas un cas isolé. La jeune Eztia, sœur du disparu, lui ouvre les portes d’un monde de mensonges et de trahisons où enlèvements, tortures et séquestrations sont devenus les armes de l’ombre. Tandis que deux tueurs tentent d’étouffer la vérité, la vie d’Iban bascule dans une guerre sans pitié qui ne dit pas son nom.

Un roman sous tension qui vibre des cris des familles de disparus et de la folie des hommes.

Marin Ledun est né en 1975 à Aubenas, en Ardèche. Traduit dans plusieurs pays, ses romans ont reçu de nombreux prix littéraires comme le trophée 813 du roman noir français et le Grand Prix du roman noir du Festival de Beaune pour Les Visages écrasés ainsi que le Prix mystère de la critique pour La Guerre des Vanités, et le Prix Plume libre pour Modus Operandi.

Mon avis :
"Ecoutez :
Les pneus crissent sur le bitume gelé. Une Mégane break grise s'engage sur l'aire de repos et s'avance sur le parking. Elle freine brutalement derrière une Opel Corsa verte qui lui bloque le passage. Des portières s'ouvrent. Des individus se dirigent au pas de course vers le côté avant gauche de l'automobile.
Le conducteur de la Corsa est un homme entre 30 et 35 ans. Il porte un costume sombre. Son crâne est rasé à blanc.
Autour de lui, l'aire de repos est déserte, à l'exception d'un poids lourd espagnol, d'un vieux qui regarde son chien renifler un plot en béton et d'une Golf sans roues de couleur blanche, aux vitres brisées, posée sur quatre moellons. A l'est, l'horizon est barré. Des forêts de pins rectilignes s'étendent à perte de vue, derrière un grillage haut de trois mètres. Aucune issue de ce côté-là.
Sur sa droite, se dressent des sanitaires et un mur gris infranchissable. Dans son dos, des ordres claquent dans une langue qu'il reconnaît."
(Ombres Noires - p.13)
3 janvier 2009, 10h15. Une aire de repos, quelque part entre les sorties 12 et 13 de la nationale 10, en direction de Bordeaux. Jokin Sasko est kidnappé par cinq individus. Pendant plusieurs jours, il est interrogé, privé de sommeil, sommé de faire des exercices, plongé dans l'eau froide, torturé jusqu'à ce que ses tortionnaires aillent trop loin. Dès lors, ils devront se cacher, faire profil bas, jusqu'à ce que cette histoire se tasse. Mais la famille de Jokin Sasko n'est pas prête à accepter la disparition de Jokin sans réagir : elle réclame la vérité. Où est Jokin, que lui est-il arrivé ? Un journaliste, Iban Urtiz, fraîchement débarqué au Pays Basque, s'interroge lui aussi sur cette disparition et, fasciné par cette histoire et souhaitant aider Etzia, la soeur de Jokin, il commence à mener l'enquête. Il ne connaît pas la région, ne parle même pas le basque et personne ne veut l'aider, même la famille de Jokin se méfie de lui, pire, tout le monde lui conseille de laisser tomber et de s'en tenir à la version officiel. Mais Iban veut comprendre et se plonge dans l'histoire récente de la région : ETA, les disparitions de plusieurs jeunes gens qui, quelques jours plus tard, sont étrangement réapparus troublés, meurtris, torturés, les policiers français et espagnols qui semblent jouer un rôle pas très clair... Petit à petit, à force de persévérance, Iban avance dans son enquête, et plus il se rapproche de la vérité, plus les coupables s'inquiètent et lui mettent la pression... jusqu'où tout cela le mènera-t-il ?

"Des hypothèses en forme de spirale se superposent dans son esprit par couches successives, avec pour point de départ un constat sans équivoque : tout le monde ment.
Pour se protéger.
Pour le fric.
Le pouvoir.
Ou les deux.
Par peur.
Par stratégie.
Pour que les baisés restent avec les baisés.
Et que l'ordre des choses ne s'inverse
surtout pas."
(Ombres Noires - p.186)

C'est étrange parfois comme les a priori peuvent être complètement faux et même idiots (particulièrement les miens d'ailleurs) ! L'année dernière, j'avais catalogué Marin Ledun comme un auteur ne pouvant pas m'intéresser notamment après l'avoir entendu critiquer la société de consommation et faire une remarque assassine contre les déodorants qui, selon la pub, nous empêchent de transpirer sans que cela soit d'une quelconque nocivité pour la santé (sur le fond, j'étais assez d'accord avec lui mais je n'avais pas vraiment apprécié sa façon de le dire ni cette intransigeance que je sentais dans ses propos...) Bref, j'étais donc certaine de ne jamais me laisser prendre par un de ses romans. Et pourtant, lorsque Babelio m'a proposé de tenter ma chance en m'inscrivant à une lecture-partenariat pour le dernier roman de cet écrivain, et bien que je ne me sois jamais réellement intéressée au problème basque, je n'ai pas hésité une seconde, me disant que j'étais tout de même bien idiote d'avoir rangé dans la case "inintéressant" cet auteur dont je n'avais jamais lu de roman !!

Et me voilà bien attrapée (en plus de me sentir bête) parce que je dois avouer que j'ai complètement dévoré ce roman ! J'ai trouvé l'histoire intéressante, prenante, passionnante, rythmée et très instructive. En plus d'être un bon roman noir, très bien construit, extrêmement précis, acéré et percutant, ce page-turner m'a fait entrevoir un monde que j'étais loin de soupçonner en France : un monde où la police ne commet pas que des actes justes et loyaux, où la justice ferme les yeux, pire, où elle fait le ménage après une bavure et fait taire les voix discordantes mais aussi un monde où le désir de servir une cause déshumanise les hommes, où la violence semble être le seul chemin empreinté par les indépendantistes pour faire entendre leur voix... un monde où la violence répond à la violence. "Nos frères et nos soeurs sont enfermés et violés dans leur intimité. Ils nous arrêtent, nous torturent, fouillent nos maisons, nous fichent et nous espionnent. Ils fichent et espionnent aussi nos proches, nos amis, nos voisins, mais malgré tout cela, ils vont droit à l'échec. Ils peuvent effrayer et intimider les gens d'ici, en particulier la jeunesse. L'histoire montre que les périodes noires ont existé de tout temps, mais nous seront toujours plus forts qu'eux." (Ombres Noires - p.189)

Marin Ledun s'est inspiré pour écrire ce roman d'un fait réel, l'histoire de Jon Anza disparu en 2009 et retrouvé dix mois après sa disparition à la morgue de Toulouse mais il ne prend pas parti. Son héros, journaliste fraîchement débarqué dans la région, ne milite aucunement pour la cause et n'en connaît d'ailleurs pas les revendications, il rassemble les faits, éclaire les zones d'ombres sans jamais perdre de vue son objectif : découvrir la vérité sur ces disparitions et dénoncer les mésactions. Alors, oui, à la lecture de ce roman, on tremble face à cette pseudo-justice, on s'insurge contre ces politiciens véreux, ces médias vendus, ces policiers voyous et tortionnaires mais on ne peut aussi que condamner la violence des indépendantistes et l'inhumanité de leurs actes... Tout est dit, voilà un roman extrêmement utile à lire !

Morceau choisi :
"Il est midi. Rue Filaurie, les langues tournent sept fois dans les bouches, les voisins soupçonnent les voisins, les volets sont croisés et il est l'heure de passer à table. La cage d'escalier sent le poisson frit, les pommes de terre sautées et la peur." (Ombres Noires - p.341)

Un roman prenant et très instructif. ;-)

Plaisir de lecture : lecture_notation1_30lecture_notation1_30lecture_notation1_30lecture_notation1_30lecture_notation0_30

Un grand merci à Babelio et Ombres Noires pour l'envoi de ce livre qui s'est soldé par cette très belle découverte.

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Commentaires
K
Je tourne autour (si on peut dire !) de cet auteur, tu me donnes envie de franchir le pas !
D
Bonjour Lounima, je n'ai encore jamais lu de roman de cet écrivain. Pourquoi pas commencer avec celui-ci. En tout cas merci du conseil. Bon dimanche.
A
J'avais moyennement aimé "les visages écrasés" et c'est un auteur que je n'ai pas envie de relire.
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