Editions : Le Livre de Poche - Traduction : de l'anglais par Isabelle D. PHILIPPE -
Titre original : Jonathan Strange & Mr Norrell - Nombre de pages : 1146

4ème de couverture :
1806. Dans une Angleterre usée par les guerres napoléoniennes, un magicien à l’ancienne mode, Mr Norrell, offre ses services afin d’empêcher l’avancée de la flotte française. En quelques jours, les Anglais ont repris l’avantage. Norrell devient la coqueluche du pays. C’est alors qu’il fait la connaissance d’un jeune et brillant magicien, Jonathan Strange. Ensemble, les deux hommes vont éblouir l’Angleterre par leurs prouesses. Jusqu’à ce que l’audacieux Strange, attiré par les aspects les plus sombres de la magie, provoque la colère de Mr Norrell…
Entre roman fantastique et roman d’aventures, entre féerie et romantisme, ce premier roman de Susanna Clarke a été élu meilleur livre de l’année par Time Magazine et a reçu le prix Hugo.

Mon avis :
Dans l'Angleterre du début du XIXe siècle, la magie a disparu depuis bien longtemps et seuls quelques théoriciens de la magie se réunissent périodiquement pour se remémorer l'époque lointaine où le Roi Corbeau régnait sur le pays, distribuant ses bienfaits à l'aide de sa puissante magie. Un jour, Mr Norrell se flatte de pouvoir jeter des sorts et des enchantements et il le prouve, devenant ainsi l'unique magicien du pays ! Convaincu par ses pouvoirs, le gouvernement de Gladstone lui demande de l'aide dans le combat que l'Angleterre mène contre les troupes napoléoniennes et, très vite, l'Angleterre gagne quelques batailles, laissant les français quelque peu déroutés par la soudaine apparition de centaines de navires devant les ports d'importance...
Souhaitant rétablir la magie dans le pays, Mr Norrell est soutenu par Mr Lascelles et Mr Drawlight qui le convaincront de prendre un apprenti : Jonathan Strange. Ce dernier, extrêmement brillant, n'a pourtant pas le même caractère que son maître et l'entente n'est pas toujours cordiale entre les deux hommes qui, néanmoins, se respectent énormément. Mr Norrell s'attache à cacher de nombreux aspects de la magie à son élève, souhaitant en cela l'en protéger. Mais quel que soit le soin pris par le magicien pour occulter certains savoirs, Jonathan Strange se tourne tout de même vers les côtés sombres de la magie, se détachant petit à petit des enseignements de son maître...
Les deux hommes vont alors se livrer à une lutte de pouvoir, souhaitant tous deux faire valoir leur vision de la magie... Ils ignorent encore que réveiller la magie, c'est également réveiller les fées et autres êtres magiques pas toujours bien intentionnés envers les humains et ayant une conception bien particulière de la bonté...

Tout d'abord, je dois avouer que j'ai trouvé ce livre trèèèèèès long et beaucoup trop détaillé, rendant la lecture ennuyeuse, voire soporifique à certains moments... J'ai bien failli lâcher ce roman à de nombreuses reprises ! Mais, au-delà des longueurs et des descriptions (dont, beaucoup, sont bien inutiles), l'histoire est tout de même intéressante et les personnages variés. De plus, si je reconnais avoir passé de nombreuses heures de lecture à attendre (attendre l'arrivée de Jonathan Strange, attendre sa rébellion, puis la réaction de Mr Norrell,...), je garde tout de même une assez bonne impression de cette lecture, la dernière page tournée...
Comment l'expliquer ? Tout d'abord parce que Susanna Clarke érige la magie au statut de science exacte et nous livre de nombreux faits (pseudo-)historiques avec moult détails rendant la magie réelle et presque palpable... L'histoire de l'Angleterre devient ainsi intimement liée à celle de la magie, le pays ayant même été dirigé par un roi magicien ! Et on y croit d'autant plus que la plupart des détails historiques sont relatés dans des notes de bas de pages que j'ai trouvées bien rafraîchissantes et qui ont grandement contribué à la poursuite de ma lecture...
Ensuite parce que, malgré tout, les personnages sont intéressants. Ainsi, Mr Norrell figure l'homme de science, cloîtré dans sa bibliothèque, incapable de briller en société, jaloux de son savoir et extrêmement imbu de sa personne. A l'opposé Jonathan Strange est ouvert, bien marié, charmeur et, contrairement à Mr Norrell, souhaite que la magie soit accessible à tous... Ces deux caractères n'étaient donc absolument pas destinés à s'entendre et il est donc logique qu'ils aient choisi des voies différentes... De plus, outre les deux magiciens, Susanna Clarke fait intervenir des personnages secondaires non moins attachants; ainsi, j'ai suivi avec intérêt les aventures de Stephen Black, un serviteur noir qui, bien malgré lui, est poursuivi par un "gentleman aux cheveux comme du duvet de chardon" trop bien attentionné mais assez peu sympathique, abusant de ses pouvoirs et ayant une conception quelque peu étrange de la bonté... De même, le destin de Lady Pole, assez triste en vérité, a retenu toute mon attention...

Morceau choisi :
"Considérez, si vous le voulez bien, un homme qui se tient dans sa bibliothèque jour après jour, un être de petite taille, dépourvu de tout charme particulier. Son livre est posé sur la table, devant lui. Une provision fraîche de porte-plumes, un canif pour aiguiser les plumes neuves, de l'encre, du papier, des carnets, tout est commodément à portée de sa main. Un feu flambe toujours dans la cheminée; notre ami ne peut s'en passer, il est frileux. La pièce change avec les saisons, pas lui. Trois grandes croisées ouvrent sur la campagne anglaise, paisible au printemps, riante en été, mélancolique en automne, morne en hiver - exactement comme doit l'être un paysage anglais. Toutefois, les changements de saison n'éveillent aucun intérêt en lui; il lève rarement les yeux des pages de son ouvrage. Il prend de l'exercice à l'exemple de tout gentleman; par temps sec, ses longues promenades l'entraînent à travers le parc et le long d'un petit bois; par temps humide, il y va de son tour dans le bosquet. Mais il ne connaît pas grand-chose au bosquet, au parc ou au bois. Un livre l'attend sur la table de la bibliothèque; ses yeux croient toujours suivre sa ligne de caractères, sa tête ressasse sa démonstration, ses doigts le démangent de le reprendre. Il fréquente ses voisins deux ou trois fois le trimestre, car on est en Angleterre, où les voisins ne souffriront jamais que l'un des leurs vive à l'écart de toute société, ni ne lui permettront d'être aussi sec et revêche qu'il lui est possible. Ils lui rendaient donc visite, laissaient leurs cartes aux domestiques, l'invitaient à dîner ou à venir danser dans les salles de bal. Leurs intentions sont charitables pour la plupart - ils ont dans l'idée que la solitude n'est pas bonne pour un homme -; ils sont aussi quelque peu curieux de savoir s'il a changé en quoi que ce soit depuis la dernière fois qu'ils l'ont vu. Il n'a pas changé. Il n'a rien à leur dire et passe pour l'homme le plus assommant du Yorkshire." (Le Livre de Poche - p.64-65)

Long, ennuyeux mais parfois très intéressant et même drôle... ;-)

Plaisir de lecture :

Le dessin représente Mr Norrell et Jonathan Strange imaginés par l'illustrateur John Walker.

Susanna Clarke - Jonathan Strange & Mr Norrell

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