Editions : Folio - Nombre de pages : 179

4ème de couverture :
"Aujourd'hui je marie ma fille, je laisserai de côté mes pensées de vieille folle, je serai comme elle aime que je sois : digne, bien coiffée, bien maquillée, souriante, prête à des conversations que je suivrai avec un enthousiasme feint et qui ne me laisseront aucun souvenir, parée pour butiner d'invité en invitée, mère parfaire que je serai aujourd'hui."

Pendant la noce d'Anna, sa mère se souvient. De la jeune femme qu'elle a été, si différente de sa fille, de ses dix-huit ans, de sa liaison, brève et passionnée avec Matthew rencontré à Londres, de son retour à Paris, seule et enceinte. Au fil de cette journée les souvenirs ressurgissent accompagnés de regrets, d'espoirs et d'envies; parce qu'elle en a encore, des envies, cette femme célibataire qui marie sa fille...

Mon avis :
Sonia a 42 ans, elle est écrivain et a conscience d'avoir parfois favorisé son travail au détriment de sa relation avec sa fille, Anna, oubliant parfois d'être simplement là. Mais il a une chose de certaine, assurée, immuable, c'est que sa fille, elle l'aime énormément !! Aussi, le jour où Anna se marie, c'est sûr, elle se comportera comme cette dernière le souhaite même si c'est aller contre sa nature rêveuse et quelque peu "lunaire"... Nous sommes donc le 21 avril, Anna se marie et Sonia se souvient : sa relation avec Matthew, le père d'Anna, parti à l'aventure avant sa naissance et qui n'a même jamais su que Sonia attendait un enfant; l'enfance d'Anna, ses amis devant lesquels il convient de se montrer respectable; la rencontre avec Alain, l'huissier qui paraît si ennuyeux mais qui a ravi le coeur de sa fille; la préparation du mariage confiée à une agence; et le jour J...

"Il faut que je raconte doucement. Avec calme, sans me presser. Que j'attende que les mots se détachent du fond de moi-même, se promènent un peu, arrivent jusqu'à ma gorge et sortent comme un souffle, une expiration comme une autre, quelque chose que l'on fait des milliers de fois par jour, une évidence. Pour une fois, ne pas se laisser bousculer, ne pas céder au quotidien, résister à l'occupation première de nous tous, chaque matin : remplir nos vies, jouer à être Dieu, faire les cons.
Il faut que je dise comment nous attendons des années pour qu'enfin la roue tourne, qu'enfin nous soyons boutés hors de la torpeur du quotidien et soudain, au détour d'un regard, dans la chimère d'une journée semblable à une autre, c'est là, maintenant, ici, ce que nous espérons depuis toujours : une autre vie à portée de main. Mais, bien souvent, à force de remplir nos vies, de jouer à être Dieu, de faire les cons, ce moment-là nous échappe et nous continuons sans nous douter une seconde que nous avons laissé, là, maintenant, ici, la chance de notre vie, l'homme de notre vie, la femme de notre vie." (Folio - p11-12).
Il ne m'en a pas fallu plus, juste la lecture de ces deux premiers paragraphes, pour être totalement sous le charme de ce court roman : au fil des quelques 180 pages qui le composent, j'ai gouté avec délice les mots et n'ai pas pu lâcher le livre avant de l'avoir fini...

C'est exactement le genre de roman que j'aime : une écriture belle, lyrique, poétique aussi et une histoire qui, avec beaucoup de tendresse et quelques regrets, nous livre les souvenirs d'une mère : moments de joie, erreurs commises, choix bon ou mauvais... C'est donc un livre nostalgique, très touchant, sur la relation mère-fille qui peut, parfois, être compliquée, mais c'est également un roman tourné vers l'avenir car il est question ici de mariage, un événement marquant qui ouvre une porte sur une nouvelle vie... En effet, même si, de nos jours, comme dit ma belle-mère, les gens "s'essayent" avant de se marier, le mariage reste, pour moi tout du moins, un symbole fort !
Ceci dit, et ce sera mon seul petit bémol, mon enthousiasme a été un peu gâché par l'égocentrisme de la narratrice (que je trouve néanmoins fort sympathique) qui m'a parfois énervée... heureusement, cela ne concernait que quelques passages...

Morceau choisi :
"On dit toujours que les mères savent, mais moi je ne savais pas. J'ai souvent pleuré avec elle parce que je ne savais pas quoi faire, comment faire, j'ai souvent été seule à crever, j'ai été fatiguée jusqu'à m'endormir assise, Anna dans mes bras, son sein dans ma bouche. Est-ce que j'en faisais trop ou pas assez ? Est-ce que les gestes quotidiens qui remplissaient à craquer chaque journée, la nourrir, la changer, la laver..., est-ce que tout cela était suffisant pour qu'elle sache que je l'aimais. Ne fallait-il pas autre chose ?" (Folio - p.53)

A lire tout simplement... ;-)

Plaisir de lecture :

D'autres avis : Abeille, Armande, Clarabel, Esmeraldae, Jules, Manu, Theoma et BOB.

Nathacha Appanah - La noce d'Anna

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