Editions : Gaïa - Traduction : du danois par Susanne JUUL et Bernard SAINT BONNET -
Titre original : Forliset - Nombre de pages : 251

4ème de couverture :
Comment des chasseurs du nord-est du Groenland, sains de corps et d'esprit, rompus à l’art de transformer l'ours blanc en carpette de lit et d’ingurgiter entre potes un infâme distillat maison, pourraient se réacclimater à la moiteur quasi tropicale du Danemark ?
Comment échapper à cette fatale descente aux enfers décrétée par un bureaucrate blafard et cravaté de Copenhague ?
Comment ? Nos héros arctiques ont l'imagination fertile, et plus d'un tour dans leur sac…

Mon avis :
Avec ce recueil de "racontars" ayant pour cadre le Groenland, une contrée froide, rude mais si belle, j'ai voyagé bien loin de mes sentiers habituels et la surprise a été agréable, la promenade facile et la découverte vraiment drôle ! J'ai beaucoup apprécié l'extraordinaire talent de conteur de Jørn Riel et ses personnages, au caractère bien trempé, à la volonté d'acier, à l'esprit carrément déjanté et à la soif "réconfortante", sont très attachants !

Les racontars ? "Ce sont des histoires vraies qui pourraient passer pour des mensonges, à moins que ce ne soit l’inverse", nous dit Jørn Riel et, en effet, il est bien difficile de croire à la véracité de ces histoires ou de ne pas croire à ces mensonges... ;-)

Prenons Museau, la première anecdote : c'est la fin de l'année et, suite à la réception de la "fameuse" circulaire notifiant la fermeture pure et simple des stations de chasse du nord-est du Groenland (et signant, par la même, la fin d'une époque pour les hommes qui les occupent), il est décidé de convoquer l'ensemble des chasseurs concernés afin d'établir un plan d'action et réagir activement contre ce décret ministériel ! Pour l'occasion, bien entendu, il convient d'être propre... mais pour Museau mieux vaut aller se laver dehors, quitte à devoir briser la glace recouvrant le lac, que de se montrer nu devant ses camarades (ou, peut-être, mais ce n'est que mon avis, la réutilisation d'une eau ayant déjà servie n'est pas à son goût...)
"[...] Nous devons accueillir nos invités propres et fringants. [...] Bien entendu, en tant que chef de station, je commence et me réserve cette marmite d’eau chaude. Puis Museau se lavera avec la même eau, et en dernier Lasselille, qui, étant le plus jeune, n’a matériellement pas eu le temps ni le loisir de devenir aussi sale que nous autres." (Gaïa - p.13)

Dans Doc et le télégraphiste Mortensen, deux de nos chasseurs sont bien près de se perdre à tout jamais dans l'immensité blanche alors qu'ils cherchent à franchir l'Islandis à vélo à voile ! Rien que ça !
"A ceux qui n'ont pas vécu en Arctique, il doit bien entendu sembler improbable qu'un télégraphiste bedonnant et un Fionien maigrelet puissent avoir les forces requises pour porter un vélo et sa remorque, ainsi qu'un paquetage d'une cinquantaine de kilos en haut d'un mur de glace quasi vertical. Mais le conteur de cette histoire peut assurer au lecteur que l'essentiel de ce rapport est véridique, et que nos deux bougres ont vraiment réussi à hisser le chargement, et à se hisser eux-mêmes, sur l'immense calotte glaciaire." (Gaïa - p.42) Vous noterez l'utilisation du mot "essentiel"...

Dans Le naufrage de la Vesle Mari, on apprend que la circulaire (encore elle !) signe l'arrêt de mort de la Vesle Mari, ce vieux rafiot qui assurait des voyages fort lucratifs à Olsen, son capitaine ! Pour son dernier voyage, le navire doit ramener tous les chasseurs du nord-est du Groenland vers le sud... et ses voyageurs ne manquent pas de particularités...
"Valfred voyageait léger. Quatre bidons d’eau-de-vie de myrtilles, dix-neuf boîtes de sardines à l’huile, son 89 et un sac de voyage avec quelques vêtements de rechange." (Gaïa - p.127)

Mais, en réalité, ce sera dans Bjørken que le vieux navire la Vesle Mari fera irrémédiablement naufrage (heureusement, le capitaine, bien avisé, venait de souscrire à une assurance avantageuse, au cas où...), ce qui ne manquera pas de susciter moult négociations...

Je vous laisse découvrir les autres racontars et surtout le devenir de ses personnages bien attachants... j'en ai déjà bien assez dévoilé ! ;-)

Parce que c'est une belle description...
"Le Fjord des Glaces se trouve dans l’inextricable entrelacs de fjords et de baies qui se frayent un chemin depuis la mer jusque profondément à l’intérieur du pays. Les montagnes vers le nord sont hautes et sombres, les plaines vers le sud ouvertes et alanguies au soleil et à la lumière, et dans l’est les collines ont la rondeur rêvée pour que le soleil puisse s’y ébattre une heure ou deux avant de s’éteindre pour la nuit." (Gaïa - p.217)

Je découvrais Jørn Riel avec ce recueil et, bien entendu, il a fallu que je commence par ce dixième et ultime volume, alors que la circulaire (encore elle !) est déjà parue et qu'il est l'heure des adieux !! Heureusement, ce volet se lit indépendamment des premiers mais, tout de même, je me suis sentie bien frustrée de commencer par le recueil qui clôt la série avec son cortège de références (14 au total) aux précédents tomes qui n'éveillaient (of course !) aucun écho en moi ! Alors, ne faites pas comme moi, commencez par le début !!!

J'ai lu ce livre dans le cadre d'une lecture commune avec Lancellau et j'ai vraiment hâte de savoir ce qu'elle en aura pensé... allons voir ! ;-)

Loufoque, déjanté, drôle et en même temps triste, enrobé d'un style léger et assez caustique, dans un univers glacial mais tellement magnifique... que puis-je ajouter ? ;-)

Plaisir de lecture :

Toutes les photos illustrant cet article proviennent du site : http://www.terresoubliees.com/

Jørn Riel - Le naufrage de la Vesle Mari et autres racontars

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