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Lectures de Lounima
17 janvier 2010

Sujit Saraf - Le trône du paon

9782246724612

Editions : Grasset - Traduction : de l'anglais (Inde) par Françoise ADELSTAN - Titre original : The peacock throne - Nombre de pages : 796

4ème de couverture :
Nous sommes en 1984, à Delhi. Le matin se lève sur le bazar joyeux et bigarré du plus grand marché de la ville, Chandni Chowk, gigantesque complexe de petites boutiques où il se vend de tout. Gopal Pandey, marchand de thé chai, s'éveille en sursaut et s'apprête à ouvrir son échoppe quand il se rend compte que la foule du marché est en émoi. Bientôt la rumeur lui parvient : le Premier ministre, Indira Gandhi, vient d'être assassinée.
C'est très vite la confusion. Les esprits s'enflamment, les communautés s'affrontent dans un embrasement populaire qui dégénère : les Hindous crient vengeance contre les Sikhs. Dans le chaos, Gopal recueille quelques hommes qui tentent d'échapper à l'émeute - y compris un certain Gyani Singh, dont personne ne sait qu'il est accusé d'être l'assassin d'Indira.

"Qu'arriverait-il si "l'homme de la rue", dont les politiques font si grand cas, accédait soudain aux plus hautes fonctions ? Aucun personnage n'incarne mieux l'âme de l'Inde moderne qu'un misérable vendeur de thé au coeur d'or, à moitié aveugle, animé par la volonté de faire main basse sur tout ce qui croise son chemin." Sujit Saraf

Mon avis :
Foisonnant, c'est le premier mot qui me vient à l'esprit pour qualifier ce roman ! Au fil des quelques 796 pages qui composent ce livre, nous ferons la connaissance d'une multitude de personnages, tous différents et de milieux variés mais tous attachés à leur quartier, bien que de façon fort différente... Pendant quatorze ans, nous suivrons les ambitions, les espoirs, les désirs mais également les méfaits et mesquineries de ces personnages qui visent, presque tous, la reconnaissance et la gloire... J'ai beaucoup apprécié la lecture de ce pavé et je n'ai qu'un regret : que l'auteur se soit arrêté en 1998 !

Petit zoom sur quelques personnages, parmi tant (petit plus marketing : Grasset a eu la bonne idée d'ajouter un marque-page qui liste les principaux personnages... très utile, surtout au début...;-))
Tout d'abord Gopal Pandey, le chaivala, autour de qui gravite les personnages de ce roman; il possède un minuscule stand de thé. Brahmane, il n'en est pas moins pauvre. Extrêmement naïf (je l'ai trouvé parfois même parfois agaçant de naïveté ;-)), gentil et si serviable que c'est lui qui, toujours, pâtit des ambitions des autres. Il a un fils qu'il ne voit pratiquement jamais mais qu'il adore... Il "adoptera" Gauhar Muhammand, un Bangladeshi musulman abandonné de ses parents et vendant son corps pour vivre...

Sohan Lal, commerçant qui possède une boutique de saris. Hindou très pratiquant, il est membre actif du PPI (parti du peuple indien), principal adversaire du parti du Congrès. Il ambitionne de devenir un membre beaucoup plus influent et fera preuve de fort peu de scrupules pour arriver à ses fins, même lorsqu'il faudra utiliser le fils de Gopal Pandey pour une mission dangereuse...

Kartar Singh, commerçant lui aussi et de religion sikh. Officiellement, il vend des appareils ménagers; en réalité c'est un intermédiaire dans un réseau de paris prohibés sur les matchs de cricket. Lors des émeutes de 1984, il sera sauvé par Gopal Pandey qui le cachera dans son stand, le temps d'une nuit... Lui aussi fait parti du PPI et ambitionne d'en devenir un membre influent...

Lala Surajmal, hindou propriétaire d'une boutique de parfum, membre également du PPI (il en est le président). Il emploie Ramvilas, très ambitieux, qui organise les actions d'éclat du PPI...

Suleman, homme politique musulman, ne se prévaut d'aucun grand parti mais n'hésite pas à fomenter de mauvais coups avec son homme de main Ibrahim Mian...

Chitra Ghosh, issue de la bourgeoisie, qui a choisi de diriger un foyer d'accueil pour les enfants des rues mais l'ambition lui fera oublier ses bonnes intentions... et elle n'échappera pas au jugement sans appel des hommes... "Elle n'ira pas loin si elle s'obstine à parler des Bangladeshis. Quel gâchis - une femme qui n'a jamais possédé de délicatesse féminine et qui est en train de perdre sa seule qualité : sa jeunesse. L'éducation des femmes est une erreur : quand elles savent lire les magazines anglais elles ne trouvent pas de maris." (Grasset - p.373)

Et Chandni Chowk, bien sûr, personnage principal, si j'ose dire, de ce roman : multiple, complexe et foisonnant !
"Chandni Chowk est l'âme de l'Inde, [...]. C'est le foyer des hindous et des musulmans, des sikhs et des chrétiens. C'est le symbole de l'harmonie religieuse" (Grasset - p.554)
"Voyez-vous Chandni Chowk, Gopal Das ? [...] Ne cherchez pas à repérer les bâtiments, les gens, les ruelles ou les échoppes. Dites-moi si vous voyez Chandni Chowk dans sa globalité, ou du moins si vous l'entendez ? Ecoutez attentivement, les klaxons, les hoquets des scooters, le ronronnement des moteurs, et vous les entendrez vous appeler. Rickshawalas, mendiants, marchands de fruits, vendeurs de fleurs, paanvalas, chaivalas, prostituées, chiffonniers ! Castes répertoriées, tribus répertoriés, autres basses castes, musulmans ! Tailleurs, barbiers, masseurs, teinturiers !" (Grasset - p.685)

La politique occupe une place prépondérante dans le roman et en rythme même l'histoire. Ainsi, celle-ci débute à Delhi, en 1984, dans le quartier de Chandni Chowk alors qu'Indira Gandhi vient d'être assassinée : les esprits s'échauffent, l'émeute gronde... que va-t-il advenir de la communauté sikhe ?
1990, le gouvernement souhaite amener plus de justice en instaurant des quotas sur certaines catégories de population : mais qui cela favorise-t-il exactement ? Les émeutes grondent, encore...
1992, musulmans et hindous sont en désaccord... la colère gronde, encore...
1996, les politiques veulent "nettoyer" Chandni Chowk : quelle sera la réaction de ces centaines de propriétaires de "constructions illégales" ?
1998, les élections sont proches, il faut plaire à la population : pour cela, tous les moyens sont bons !

Morceau choisi :
"L'Inde est une jungle, dit Ramvilas à Gopal. En son centre, sur un monticule nommé Raisina Hill, habite un éléphant appelé le président. Il se déplace lentement et vit longtemps. Il peut tout écraser, mais la plupart des animaux, plus rapides que lui, ne se font pas piéger sous ses pas. Il n'embête personne, personne ne l'embête.
- J'ai vu le président à la télévision, dit Gopal.
- Le premier ministre est un lion, roi de la jungle, entouré de tigres, qui sont ses ministres.
- Et moi je suis quoi ?
- Vous serez un loup, un membre du Parlement. Sohan Lal, Harilal Gupta et Suleman ne sont que députés à l'assemblée régionale - un renard, un chacal et une hyène -, agressifs mais lâches. Ils se prosternent devant l'ours, leur premier ministre à eux, qui dort beaucoup et parle peu.
- Et Kartar Singhji, qui c'est ?
- Avant, c'était un conseiller. Les conseillers sont des singes. Ils se balancent aux branches et jacassent toute la nuit. La jungle regorge d'animaux - maires, ministres régionaux, hauts fonctionnaires - mais aucun ne compte à côté du loup.
- Que mangent tous ces animaux ?
- La jungle déborde de corbeaux, pigeons, chats, chiens, rats, serpents et scorpions - commerçants, commis, rickshawalas, chaivalas. Il y a de quoi manger pour tout le monde. Il suffit de regarder Harilal Gupta !
- Et Gauhar, c'est quoi ?
- Votre musulman ? C'est un cafard, entouré d'araignées, de mouches, de punaises et de scarabées.
- Ibrahim Mian ?
- Un moustique, qui bourdonne continuellement aux oreilles."
(Grasset - p.646-647)

Mais ce livre, c'est également beaucoup d'autres choses encore que je vous laisse découvrir... ;-) Je vous invite d'ailleurs à aller voir l'avis de Naina qui met l'accent sur les nombreuses références à l'histoire moghole qui jalonnent ce roman.

Par bien des côtés, ce livre m'a beaucoup rappelé Un garçon convenable de Vikram Seth, roman également très foisonnant et donnant la part belle à la politique (mais pas que) dont je garde un excellent souvenir ou encore L'équilibre du monde de Rohinton Mistry dont je vous parlais ici (c'était d'ailleurs mon tout premier message).

Un roman que je ne peux que conseiller à tous ceux qui souhaitent découvrir un peu plus ce fabuleux pays qu'est l'Inde ! ;-)

Plaisir de lecture :  lecture_notation1_30lecture_notation1_30lecture_notation1_30lecture_notation05_30lecture_notation0_30

Challenge du 1% littéraire : 3/7    challenge_du_1_litteraire_2009 

Le trône du paon (source Wikipedia) :

407px_Shah_Jahan_on_The_Peacock_Throne_

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Commentaires
L
@Manu : Bonjour et bienvenu,<br /> Je vois que nous n'avons pas eu la même impression à la lecture de ce roman : pour ma part, j'ai trouvé les personnages assez riches et j'ai adoré me plonger dans l'histoire politique de Chandni Chowk ! Mais je suis ravie parce que la diversité des opinions fait de merveilleux débats ! ;-) ;-) <br /> J'ai également lu "L'équilibre du monde" et surtout "Un garçon convenable" et, pour ce dernier, comme vous, je pense que c'est un chef d’œuvre absolu : sur ce livre, au moins, nous sommes d'accord ! ;-) <br /> Je suis ravie de rencontrer un autre amoureux de la littérature indienne et vais, dès que possible, aller me "perdre" sur votre blog ! ;-)
M
Honnêtement, je me suis ennuyé pendant 1010 pages à la lecture de ce bouquin ! Il est loin de valoir l"Equilibre du monde", ou le chez d'oeuvre absolu (mais d'un abord difficile) "Un garçon convenable". J'ai trouvé l'histoire décousue, confuse, les personnages mal campés. Gita et Gopal séduisent et sont touchants, mais pour le reste, j'ai trouvé cela très pauvre.
L
@Zarline : Ah, la PAL !!! La mienne aussi ne tient plus !!! ;-)<br /> <br /> @Leiloona : Pour l'été ? Oui, mais attention, cela n'est pas une lecture légère ! ;-)<br /> <br /> @Alinea : Note-le ! ;-)
A
je le note mais pour plus tard.
L
800 pages, avec des personnages à foison ? Un livre pour l'été, ça ! :)) (J'aurai plus de temps.)
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