Victor Hugo - Lucrèce Borgia
Éditions : Librio - Nombre de pages: 91
4ème de couverture :
"C'est donc lui ! il m'est donc enfin donné de le voir un instant sans péril ! Non, je ne l'avais pas rêvé plus beau ! O Dieu ! épargnez-moi l'angoisse d'être jamais haie et méprisée de lui. Vous savez qu'il est tout ce que j'aime sous le ciel !"
Lucrèce Borgia. Cette femme sans scrupules dont le nom est honni par l'Italie tout entière, cette femme qui a commis les crimes les plus horribles, adultère et incestueuse, cette femme aime, plie et tremble devant un homme : son fils. Mais elle a beau essayer de la repousser, la fatalité les rattrape toujours, jusqu'au terrible dénouement que rien ni personne ne pouvait empêcher...
La vie de cette duchesse de Ferrare (1480-1519), qui fut en réalité un instrument politique aux mains de son père et de son frère, inspira à Victor Hugo l'une de ses plus belles tragédies.
Mon avis :
“[...] s'il y avait aujourd'hui en Italie, dans cette fatale et criminelle Italie, un coeur noble et pur, un coeur plein de hautes et de mâles vertus, un coeur d'ange sous une cuirasse de soldat; s'il ne me restait, à moi, pauvre femme, haïe, méprisée, abhorrée, maudite des hommes, damnée du ciel, misérable toute-puissante que je suis; s'il ne me restait, dans l'état de détresse où mon âme agonise douloureusement, qu'une idée, qu'une espérance, qu'une ressource, celle de mériter et d'obtenir avant ma mort, Gubetta, un peu de tendresse, un peu d'estime dans ce coeur si fier et si pur; si je n'avais d'autre pensée que l'ambition de le sentir un jour battre un jour joyeusement et librement sur le mien, comprendrais-tu alors, dis, Gubetta, pourquoi j'ai hâte de racheter mon passé, de laver ma renommée, d'effacer les tâches de toutes sortes que j'ai partout sur moi, et de changer en une idée de gloire, de pénitence et de vertu, l'idée infâme et sanglante que l'Italie attache à mon nom.”. (Librio - p.22) Lucrèce Borgia, fille naturelle du pape Alexandre VI, duchesse de Ferrare, haïe et méprisée de tous, règne sur l’Italie en ce début du XVIè siècle. Ses armes? Le crime, la machination, le mensonge, le complot, l’adultère, le vice... Son point faible? Son fils caché, Gennaro, produit de ses amours incestueuses avec son frère. Elle tentera tout pour se racheter aux yeux de son fils mais Gennaro, ignorant son statut de fils et haïssant au plus profond de son âme cette femme qu'il juge cruelle et sans âme, précipite sa chute ainsi que celle de sa mère...
J'ai déjà exprimé en ce lieu ma grande admiration pour cet auteur, aussi, je ne peux que me répéter : Victor Hugo m'enchante à chaque rencontre livresque ! Et pourtant, je ne suis pas particulièrement fan de théâtre mais j'ai beaucoup aimé cette pièce : c'est fluide, facile, entraînant et... tragique à souhait.
Ce drame en trois actes n'a absolument pas pour ambition de nous conter la vie de Lucrèce Borgia, le personnage ne sert que de prétexte pour nous démontrer qu'une mère chérissant son fils, aussi cruelle et démoniaque qu'elle puisse être dans sa vie, aura toujours à coeur de protéger son enfant et souffrira du désamour de l'être aimé. Ce point de vue pourrait être contesté, mais ce n'est pas le débat ici et on croit sans peine à l'amour maternel de cette femme, on ne peut la haïr, malgré tout ce qu'elle peut être ou faire par ailleurs.
Il est également intéressant de noter que Gennaro n'a jamais rencontré Lucrèce Borgia en tant que telle avant leur face-à-face final et que sa haine n'est nourrie que de ce qu'on lui a dit de ce personnage, de rumeurs en somme... c'est curieux de voir à quel point on peut être aveuglé par une idée sans jamais éprouver le besoin de la confronter avec la réalité, c'en est presque aberrant !
Morceau choisi :
"Oui, les Borgia ont des poisons qui tuent en un jour, en un mois, en un an, à leur gré. Ce sont d'infâmes poisons qui rendent le vin meilleur, et font vider le flacon avec plus de plaisir. Vous vous croyez ivre, vous êtes mort. Ou bien un homme tombe tout à coup en langueur, sa peau se ride, ses yeux se cavent, ses cheveux blanchissent, ses dents se brisent comme verre sur le pain; il ne marche plus, il se traîne; il ne respire plus, il râle; il ne rit plus, il ne dort plus, il grelotte au soleil en plein midi; jeune homme, il a l'air d'un vieillard; il agonise ainsi quelque temps, enfin il meurt. Il meurt; et alors on se souvient qu'il y a six mois ou un an il a bu un vin de Chypre chez un Borgia." (Librio - p.37)
Un classique à lire... ;-)
Plaisir de lecture :